Le point avec votre DailyPharma Paris.

Le ventre et plus particulièrement l’intestin intrigue de plus en plus de scientifiques jusqu’à laisser apparaitre de nouvelles interrogations.

L’intestin est un organe extrêmement complexe. Il est composé aux deux tiers de cellules immunitaires, il abrite un système nerveux indépendant – le deuxième plus important dans le corps humain après le cerveau.

Le microbiote qui est composée de milliards de bactéries, participe au bon – ou au mauvais – fonctionnement de notre système digestif. Il y a plus d’une vingtaine d’hormones uniques dans l’intestin et tout un tas d’autres choses que les chercheurs sont encore en train de découvrir.

Pourquoi avons-nous attendu avant de faire des recherches sur l’intestin ?

Pendant très longtemps cela était très difficile, voire totalement impossible, faute de moyens adéquats, d’étudier avec la rigueur scientifique nécessaire les organes qu’abrite le ventre.
Les progrès techniques ont récemment permis d’aller plus loin, notamment sur la question des bactéries et l’interaction entre le cerveau et l’intestin. Les neurosciences sont en train de repousser beaucoup de barrières dans ce domaine.

C’est finalement une concomitance de nouveaux moyens et d’un nouveau champ d’intérêt qui a entraîné la multiplication des recherches et la curiosité du public.

Peut-on dire que l’intestin assure réellement le rôle d’un deuxième cerveau ?

Le cerveau est et sera toujours le gestionnaire de l’ensemble du fonctionnement de notre organisme. L’intestin, cependant, est un conseiller très important pour lui. Le cerveau a une vie très isolée, dans un crâne osseux entouré de couches épaisses de protection qui filtrent chaque goutte de sang avant que celui-ci puisse pénétrer. Mais le cerveau a besoin d’informations pour savoir comment le corps interagit avec son environnement, comment l’estomac et les intestins assimilent tel aliment, de quel complément il a besoin ou, en cas d’un intrus trop agressif ou toxique, comment bloquer la digestion et – pourquoi pas – rejeter le tout rapidement, soit en vomissant, soit par une diarrhée aiguë.

Lorsque nous étudions l’activité du nerf qui relie l’intestin et le cerveau, le nerf vague, vous constatez que 90 % des informations vont de l’intestin au cerveau et pas l’inverse.

Où en sont les études ?

Aujourd’hui nous constatons que les personnes atteintes d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin, par exemple, ont un risque plus élevé de souffrir d’anxiété ou d’être sujettes à un état dépressif que dans le cas d’autres maladies chroniques.

Nous constatons également que certains probiotiques, des bactéries conseillées au départ pour retrouver un bon équilibre du système digestif et du microbiote (particulièrement après un traitement aux antibiotiques), peuvent influer sur l’humeur et le bien-être. Des chercheurs et des médecins ont donc eu l’idée d’utiliser des probiotiques, que l’on appelle du coup psychobiotiques, pour améliorer l’état de ces patients.

Des bactéries digestives comme Bifidobacterium infantis, Lactobacillus helveticus et Bifidobacterium longum produisent des substances qui agissent sur le cerveau. Elles fabriquent de la sérotonine et de l’acide gamma-aminobutyrique (GABA), deux neurotransmetteurs qui interviennent dans le contrôle de l’humeur.

Ces psychobiotiques ouvrent donc la voie vers de nouvelles méthodes de traitement des maladies comportementales.

Nous savons quoi au sujet du microbiote et quelles grandes découvertes les scientifiques attendent-ils ?

Nous allons continuer à faire de grandes découvertes dans ce domaine. Il ne faudra pas créer de faux espoirs et laisser croire que tout est «microbiote», comme on a pu dire que tout était «génétique».
Il faut rappeler aux gens que presque tous les processus du corps sont influencés par de multiples facteurs: la génétique, notre environnement, ce que nous mangeons, etc. – le microbiome (l’ensemble des génomes des bactéries colonisant l’organisme, ndlr) n’est qu’un nouveau facteur dans cet ensemble.

Et nous sommes tout à fait au début de découvrir à quel point il est vraiment important. En revanche, la bonne nouvelle, c’est qu’il pourrait être beaucoup plus facile d’influencer l’intestin que notre génétique!

Les antibiotiques sont-ils dangereux pour les intestins?

Dangereux est un mot difficile à associer aux antibiotiques. Ils ont littéralement sauvé nos vies chaque jour et permis à plusieurs générations de vivre en bonne santé bien plus longtemps. Beaucoup d’enfants mourraient d’infections tout simplement si nous n’avions pas d’antibiotiques. Donc, non, ils ne sont pas «dangereux» de cette façon… En revanche, ils ont des conséquences plus importantes sur l’organisme que nous l’avions imaginé jusqu’à présent.

Il faut comprendre que tous les microbes ne sont pas nocifs. Leur présence permet d’organiser la défense immunitaire. Ainsi nous échangeons des microbes qui nous protègent habituellement. Nous en avons hérité certains de nos mères et même de nos grands-mères! Ils sont au final nécessaires à notre survie. Que les antibiotiques les détruisent n’est au final pas une très bonne chose.

Comment pourrions-nous combattre la résistance aux antibiotiques?

Le premier conseil, et le plus important, est celui-ci: ne prenez pas d’antibiotiques quand cela n’est pas nécessaire!
Si les symptômes paraissent identiques à ceux d’un rhume classique et que vous ne souffrez pas de pathologies particulières pouvant entraîner des risques de complication, faites confiance à votre système immunitaire. Si les symptômes vous paraissent un peu particuliers, alors rendez-vous chez votre docteur.

Une corrélation entre certains troubles cérébraux et intestinaux?

Cela paraît possible car l’intestin est le seul organe dans notre corps qui possède des cellules nerveuses similaires à notre cerveau et en si grande quantité. Les intestins possèdent également toute une cohorte de messagers chimiques, de matériaux d’isolation cellulaire et de types de connexion.

En biologie du développement, nous constatons aussi que le système nerveux de l’intestin est la première étape pour développer le système nerveux dans le cerveau.

Sommes-nous ce que nous mangeons?

Nous sommes ce que nous mangeons, comme nous sommes ce que nous respirons.

Quelle nourriture est bonne pour notre estomac, pour notre système digestif et, au final, pour notre santé ?

Il est important de manger avec plaisir et goût et non en suivant les tables de la loi du «bien manger», qui sont assénées par beaucoup de personnes différentes et qui finissent par être contradictoires.
Il est utile de connaître son corps, de savoir l’écouter… En tenant compte du fait que notre intestin et notre cerveau adorent le gras et nous incitent à en consommer.

Misez sur les aliments prébiotiques qui favorisent la croissance ou l’activité des bactéries intestinales bénéfiques à notre santé (deux prébiotiques courants sont l’inuline, que l’on trouve dans les racines de chicorée ou l’artichaut, et les fructo-oligosaccharides, ou FOS, présents entre autres dans l’ail, l’oignon et la banane, ndlr).
Le riz froid, par exemple, et toutes sortes de grains et de légumes appartiennent à ce groupe. Tout le monde peut essayer et voir par soi-même ce qui correspond à ses goûts.